Sujet délicat qu'est celui de la mort, cette "fin" que nous connaissons tous, car en effet la seule chose que je sais c'est que "je nais et je meurs, l'entre-deux m'est inconnu".
Aujourd'hui, la mort est souvent bannie, exclue de notre société, considérée comme quelque chose de mauvais, qu'il faut cacher et éviter. Seulement, la mort fait partie intégrante de la vie et en cela elle ne doit pas y être opposée, l'une et l'autre doivent être acceptées et rencontrées dans l'essence même de ce qu'elles sont. Comme l'a si bien dit C. Singer, la mort ne doit pas être placée face à la vie, mais elle doit y être inclue totalement. "La vie et la mort"(1071) sont 2 soeurs inséparables, les actrices de notre plus grande "instruction"(1071). "Ontologiquement la mort est comme la naissance, inhérente à la vie - et non son opposé"(1).
Dès l'époque Sumerienne, et durant des centaines d'années, la mort était considérée comme essentielle, elle donnait du sens à la vie, elle était considérée comme un processus de développement inhérent à la vie, sans cela aucune évolution n'était possible.
De nos jours, nous refusons la mort et mettons tout en oeuvre pour la repousser, voire l'éviter, du moins éviter d'en voir les différents signes ostentatoires, notamment ceux du vieillissement préludes à la mort. Plutôt que de nous préparer à la mort, nous menons un combat acharné contre elle, en essayant de contrôler tout ce qui peut nous y faire penser ou nous y conduire. Bref, "on ne veut plus mourir"(2)... or la vie c'est mourir un peu chaque jour... nos cellules meurent chaque jour, tout est changement, tout est transformation, c'est l'impermanence des choses ! "Refuser de mûrir, refuser de vieillir, c'est refuser de s'humaniser....retenir le flux de l'existence, c'est oublier que la vie est l'art de la métamorphose"(1).
"Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi, la trouvera"(Matthieu 16.25).
Si je désire tout conserver, si je ne renonce pas à mes artifices, mes actifs, mes passifs cela va me coller à la peau et je ne peux plus mourir ! Bien sûr mes fonctions vitales vont s'arrêter, mais je ne pourrais pas "mourir"(589) dans le sens que c'est une "règle fondamentale"(589) qui mène à moi-même.
Toutes les grandes traditions spirituelles nous proposent des enseignements qui sont là pour nous apprendre à mourir. Platon a dit "philosopher c'est apprendre à mourir"(1793), c'est à dire "tomber amoureux"(1793) chaque jour de ce que la vie nous propose, de ce qui est.
Il s'agit alors d'apprendre à nourrir notre aspiration à grandir...
Or, de nos jours, il n'y a plus d'espace pour cela, pour apprendre cela, nous sommes dans le déni de cette expérience. La mort est un objectif, c'est le sens de la vie, un objectif difficile tant les renoncements nécessaires sont grands, combien l'inconnu est vaste et peut faire peur.
La métamorphose, la mort nous sont proposées à chaque instant à chaque seconde, car dès lors que je quitte un espace, j'entre dans un autre, je "meurs" au précédent. Un jour, je quitte le monde de l'enfance et entre dans celui de l'adolescence, difficile de quitter le premier ...et ensuite je quitte ce monde de l'adolescence pour entrer dans celui de l'adulte, tout aussi difficile ... et ma vie n'est composée que d'une série de départs tous plus douloureux les uns que les autres. "C'est dur de quitter l'épanouissement féminin , de quitter la fécondité ...", c'est dur de quitter le connu pour l'inconnu, de s'ouvrir au neuf .
Et dans tous ces passages "pas sages" c'est la mort qui est là, qui m'attend et me propose son "initiation"(597) pour m'insuffler le "désir d'apprendre"(597) sa sagesse. La mort est une "amie"(55) qui m'"aime"(55) et m'accompagne en me proposant de grandir en mon centre.
Le plus triste, serait de quitter cette vie sans avoir philosophé, sans avoir contacté cet "amour de la sagesse"(849) qui est notre véritable "langue maternelle"(849), sans avoir essayé de "réparer le monde en nous"(3).
Simplement, chercher un peu de clarté, car :
"J'entre dans une expérience et puis je la délaisse pour entrer dans un autre espace.
Mourir à chaque instant, non plus comme un désastre mais en comprenant à quel point cet apprentissage est celui de la Présence"(1).
(1) Christiane Singer - Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi? Ed. Albin Michel - p 143, p 152, p 156
(2) Rafaël Payeur - Conférence Périgueux Oct.2017 - La vie Post-mortem
(3) Cervantès
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